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Le témoignage d'un père

Dernière mise à jour : 2 déc. 2021

face à l'Amyotrophie Spinale Infantile de type 1


Image : Nimrodel2.0


Voici l'interview que nous avons fait, Yoshi et moi-même, de Monsieur X. , père d'un enfant (E.) de plus de 28 mois, atteint de l'ASI de type 1, avant la période de Confinement due au Covid19.


Si vous souhaitez en apprendre plus sur la maladie et ses traitements, nous vous invitons à regarder l'article dans notre blog « Qu'est-ce que l'ASI de type 1 ».


Le témoignage d'un père


Peux-tu nous expliquer ta situation familiale au moment de cette interview?


Ma conjointe et moi-même sommes parents de 3 enfants nés à un an d'écart. Notre fille aînée (A.) a 3 ans, notre garçon (E.) qui est atteint de l'ASI de type 1 a plus de 28 mois et notre petite dernière (D.) est née en Septembre 2018.


Quel traitement reçoit E. actuellement?


Mon fils en ce moment reçoit un traitement, le Spinraza (Nusinersen), d'un laboratoire américain, ça coûte entre 77000 et 80000 euros la dose. C'est une dose de 5ml, pas plus qu'une goutte d'eau. Il en a reçu d'abord 4 sur un espace de 4 mois. En gros c'est 2 tous les 15 jours et après 2 pendant un mois, ensuite c'est une fois tout les 4 mois à vie. Il est donné sous forme d'injection en ponction lombaire, ça se dit aussi intrathécale.


Le traitement va soit freiner, soit repousser, mais il n'arrête pas la maladie. Dans tout les cas elle sera toujours là, des types 1 adultes il doit pas y en avoir beaucoup, et sans traitement c'est pas plus de 2 ans de vie. 3 ans avec de la chance.

Car bout d'un moment les muscles, le diaphragmes ne fonctionnent plus.


Nous avons lu que les recherches sur cette maladie étaient très récentes et que les tests sont en cours, c'est bien ça?


En fait, nous, quand on a su la maladie, y a un an et demi, on nous a expliqué qu'il y avait le traitement, tout ça... Mais par contre qu'ils n'avaient pas encore assez de données cliniques derrière, et donc que nos enfants , ceux qui ont un traitement actuellement, serviront de données cliniques, malheureusement.

Ça c'est comme ça, faut des sacrifices et des sacrifiés dans la médecine.

Ce traitement n'existe que depuis 2017. Il y a plein de traitements, comme un sirop pour la toux... ils ont découvert qu'on pouvait muscler un peu le diaphragme, enfin bref nous quand la neuropédiatre nous a expliqué, elle qui a fait partie des essais cliniques en France avec le Téléthon, que le traitement était la, elle nous a prévenu que le mieux c'était de le donner avant 7 mois pour qu'il y ai une efficacité quasiment optimale, peut être pas à 100% mais une grosse efficacité.

Tu nous avais dit que le traitement n'était pas très efficace sur ton enfant, pourquoi?

Pour nous, malheureusement, E. l'a eu à un peu plus de 7 mois.

Elle (la neuropédiatre) nous a expliqué que le traitement agissait en deux sens , au niveau moteur comme les bras, les jambes etc... et au niveau respiratoire.

Le problème pour nous, c'est que sur E. ça n'a pas marché. Enfin il a fonctionné, mais dans le sens moins essentiel, c'est à dire seulement au niveau moteur, malheureusement. Le gros de la maladie c'est la respiration, c'est comme un enfant qui a la mucoviscidose, un bout d'un moment les muscles cessent de fonctionner, le mucus ne va plus remonter, va s'accumuler dans les poumons, et fait une embolie pulmonaire.


D'où l'importance de la kiné respiratoire?


Oui, la kiné respiratoire, c'est comme pour la mucoviscidose, c'est quotidien. C'est vrai que quotidiennement c'est chiant, parce que quand t'es parent tous les jours tu as le "bal des infirmières" et du kiné.

C'est la que nous après, pour en revenir au traitement , E. a eu ses injections , 8 en tout pour l'instant.

On nous avait rien dit, mais par contre il avait toujours des bilans kiné, en fait, ils regardaient sa respiration, ses mouvements, tout ça, et nous on nous disait rien. Une fois, j'ai été voir une infirmière et je lui ai demandé, elle m'a répondu qu' "effectivement on ne peut rien vous dire parce que malheureusement E. fait partie des résultants". Donc ils ne peuvent pas poser de diagnostic.

Tout cet été E. a fait de la température sans qu'on sache d'où ça venait. Sans explication, il montait à 39, sans avoir d'infection, niveau des globules c'était nickel. On nous a expliqué que c'était la maladie qui reprenait le dessus. Qu'il faisait ce qu'on appelle des crises isotonomique, c'est à dire que le système nerveux se met en défaut, il fait comme si le corps était attaqué, donc soit il fait monté la température soit il la fait descendre.


Même si c'est justifié au niveau de la médecine, pour vous en tant que parents c'est quand même dur de ne pas avoir d'information?


Jusqu’à la pose du diagnostic oui c'était dur, parce que nous on se demandait ce qu'il avait, limite à s'en prendre aux médecins, on nous cache quelque chose... on nous cache quelque chose... depuis qu'on nous a apprit que c'était ça, maintenant dès qu'il monte à 39, du jour au lendemain, on relativise un petit peu.


Comment communiquent les médecins avec vous, prennent-ils le temps de vous en parler et de quelle manière? Par exemple prennent-il des gants avec vous ou sont-ils plutôt direct?


Non, ils sont cash, mais ce sont des bons médecins, comme par exemple le professeur B. au CHU d'Amiens qui est très connu dans sa spécialité, la neurologie, qui suis la maladie de loin.

Quand la neuropédiatre nous a donné le tout premier diagnostic de la maladie, elle nous a expliqué que le risque de celle-ci c'est qu'un jour il boive son biberon, qu'il il fasse une "fausse route", qu'il s'étouffe et fasse un arrêt cardiaque, par exemple.

D'ailleurs, c'est arrivé deux fois, la "fausse route".


Tu peux nous raconter comment ça c'est passé?


La toute première fois c'est ce qui nous a permis de diagnostiquer la maladie, enfin qui a fait avancer les choses, parce qu'il y avait déjà suspicion de l'ASI et le deuxième, j'étais tout seul avec lui.

Avant E. manger par sonde nasogastrique, qui passe par le nez.

Donc ça tombait directement dans son estomac sauf que la en fait j’étais tout seul et cette fois je sais pas pourquoi j'ai paniqué.

Avant il avait un masque posé sur son nez , un masque ventilation non invasive (VNI), c’était maintenu par des scratchs et du coup j'ai paniqué car je savais l'enlever mais je n'ai jamais su le remettre.

En fait je le lui ai enlevé pour le descendre du canapé, voyant que je n'arrivais pas a lui remettre j'ai paniqué , je me suis énervé, et je pense qu'il l'a ressenti. Il a eu peur, il a vomi et a ravaler aussitôt, mais comme il n'a rien laisser paraître, je n'ai pas vu qu'il avait vomi. Donc en fait il l'a avalé de travers et c'est aller dans son poumon. Du coup il a fait un petit malaise, urgence, hélicoptère etc...


Une petite inattention et ça peut être grave.


Quand il était nourri comme ça, il fallait bien vérifier que la sonde allait bien dans son estomac. Pour être sûr qu'elle n'aille pas dans les poumons, il fallait soit prendre un stéthoscope, le poser sur son estomac, insérer de l'air avec une seringue pour voir si ça faisait des bulles, ou alors on injectait de l'air qu'on laisser ressortir par un tuyau, qu'on mettait dans un verre d'eau, pour voir si ça fait des bulles et si c'est le cas c'est que c'est au bon endroit.


À quel moment vous vous êtes rendu compte du soupçon de la maladie?


Il a eu un développement normal jusqu’à 4 mois et demi. Au bout d'un moment on s'est posé des questions parce-qu'il ne tenait pas sa tête. Il ronflait tout le temps, il mangeait tout le temps, il faisait pas ses nuits alors qu'il n'avait aucune dent qui poussait. Une fois il est allé chez ma mère un week-end, et il avait un transit assez difficile, vachement constipé, il avait toujours sa main repliée vers l’extérieur, il avait son poignet un peu tordu et il se tenait tout le temps comme ça. On a trouvé ça bizarre et il était tout le temps encombré, on l'a emmené aux urgences.

C’était sûrement une bronchiolite, on nous a prescrit des séances de kiné.

Donc il a fait de la kiné, mais on nous a quand même donner un rendez-vous avec un pédiatre qui l'a ausculté parce que c'est vrai qu'il manquait de tonicité.

On accepte, il fait ses séances de kiné, et pour le kiné il n'avait pas besoin de beaucoup de séances. Il a fait ses séances. Et un matin, un lundi matin, on va à l’hôpital pour un check-up, et il manque vraiment de tonicité, et c'est la que le médecin nous explique la maladie, donc nous on dit ok, on sait pas ce que c'est.

Quand il commence à nous expliquer ce qu'est la maladie, pour nous c'est le gros drame. Il nous dit par contre que pour confirmer, il nous faut un prélèvement génétique. C'est une prise de sang mais en beaucoup plus poussé, où ils vont regarder les chromosomes.

Du coup on attend les résultats, on attend 10 jours, normalement on nous avez dit 15 jours. Le lundi, 10 jours après, un soir, j’étais monté avec ma fille pour la coucher, et ma compagne m'appelle en hurlant, viens vite, E. s'étouffe.

Il était tout violet. Quand j'y repense à chaque fois, je me souviens que quand j'allais coucher ma fille, je savais que ça n'allait pas, ça ronflait, je me suis dit qu'il avait un problème mais je n'avais pas prêté plus attention que ça.

Et elle m'appelle donc et effectivement il était violet, donc on appelle les pompiers, il m'ont finalement passer le samu, et d'un coup il se dégage tout seul et se met à crier, et la réaction du médecin au téléphone qui ne me prend pas au sérieux, il me dit « non mais c'est bon, il va bien » et la je lui dit « non ça va pas non, mon fils est tout gris vert bleu faut m'envoyer quelqu'un ».

Du coup ils ont envoyé les pompiers. Ils prennent les constantes, et elle sont bonnes, il a un bon rythme cardiaque. Le médecin ça le faisait chier de venir et il transfert mon fils a l’hôpital.

La-bas il va bien, sur les radios ils ont vu qu'il y avait un foyer d'infection, une poche dans les bronches et qu'il avait fait une fausse route. La nuit se passe nickel, le lendemain, E. fait un malaise, sans doute par rapport à tout ça. Il avait fait sa séance de kiné, et la pédiatre de garde appelle le centre à Rouen, parce qu'elle a vu qu'on avait fait un prélèvement génétique, et au téléphone le centre confirme le diagnostic de l'amyotrophie spinale.


Donc la ils viennent dans la chambre et nous expliquent que E. ne peut pas rester dans cet hôpital-là parce-qu'ils ne sont pas équipés. Donc le mardi on nous dit qu'il doit partir à l’hôpital d'Amiens. Il part en hélicoptère. Et nous on le suit. On arrive là-bas, il était en soin continu. Il portait des lunettes à oxygène. On nous explique la maladie, et on demande si ça s’opère, je leur dit que je suis prêt a lui donner un rein, mon cœur , mon cerveau, ma moelle épinière. On me dit non ça ne se soigne pas comme ça.

Le mardi je rentre tout seul, ma femme reste avec lui. le lendemain elle m'appelle car la neuropédiatre veut nous voir en urgence.

Le mercredi j'arrive à l'hôpital, et c'est la qu'elle nous explique un peu plus la maladie, le traitement et les risques. En trois jours de temps, trois jours hard, on est passé par tout les stades émotionnels.

Tant qu'ils n'ont pas le diagnostic confirmé, ils ne peuvent quasiment rien faire.

C'est qu'à partir du mercredi après-midi, qu'on lui a posé le masque VNI.

On met ça aux personnes qui ronflent par exemple.

Ça envoie de l'air comprimé pour soulager le diaphragme.

Voila comment on a découvert sa maladie. Mais on s'en veut un peu de ne pas avoir réagit avant. De voir que le gamin bougeait pas beaucoup, qu'il ne tenait pas sa tête... On aurait consulté avant...

On est passé à coté de deux morts, aujourd’hui on relativise beaucoup plus.


Comment a-t-il échappé pour la première fois à la mort?


Une première fois en mai. Il faut savoir que lorsqu'E. tombe malade les risques sont multipliés par 10. Ça peut le terrasser, un peu comme une personne qui a le sida, le moindre microbe peut le tuer.

Vu qu'il ne prend pas le soleil, qu'il ne mange pas comme nous, il n'a pas autant de vitamine, et il est sujet à beaucoup d'infections et de virus. Donc là, un jeudi matin, il se lève et on le trouve pas dans son assiette. Le kiné le trouve un peu encombré, donc on appelle le médecin traitant.

Elle le regarde, et voit qu'il a une otite, et peut-être même une petite bronchite. Elle nous donne de quoi le soigner. Le jeudi après-midi il crie, il crie, et fait une "désaturation", c'est à dire une baisse du taux d'oxygène dans le sang.

Il faut qu'il soit au dessus de 90. On a un "oxymètre" pour tester la désaturation, il se met sur le doigt.

Il était descendu une fois à 80, c'est pas grave c'est rien.

Donc, on appelle les infirmières du HAD, ce sont des infirmières pour les soins a domiciles, elles confirment qu'il ne va pas bien, du coup on appelle le samu.

Le samu se met en relation avec l’hôpital d’Amiens, parce qu'on habitait à 1h d’Amiens à l'époque. Le médecin nous dit que c'est pas trop grave pour E.

Que si vraiment ça se reproduit, là vous prenez l'ambulance et vous le montez directement à Amiens.

Une heure se passe, je me souviens bien, j'étais occupé, il était dans la salle à coté d’où j’étais, et en dormant il s'est mit à désaturé. Donc la, on a rappelé l’hôpital et on l'a amener à Amiens.

La, j'ai regardé mon fils E., et je me suis dit y a un truc, il va se passer un truc, il va se passer un truc.

Bref, je me retrouve tout seul le soir avec ma fille. Je vais me coucher vers minuit et demi, avec un gros coup au moral. Ma fille je la réveille , pauvre gamine, pour qu'elle dorme avec moi et j'appelle ma femme en pleurs, et je lui dit il va se passer un truc, il va se passer un truc. Elle me dit, non la ça va, il pleure, il a du mal à s'endormir, mais ça va, il est stable, tout ça, enfin bref. On communique par sms et elle me redit qu'il a du mal à s'endormir jusqu'à un moment où elle me dit ça va, il vient de s'endormir, si il se passe quelque chose je t'appelle, donc va dormir.

Je m'endors à 2h. À 3h30 j'entends quelqu'un qui vient frapper à ma porte. Ma sœur vient me « chercher » avec une mine de déterré, je regarde mon téléphone, et je vois 18 appels en absence. J'avais mis mon téléphone en silencieux. Je réponds et ma conjointe me dit E. a fait une désaturation et je lui demande à combien il est descendu. Elle me dit 4. 4% d’oxygène , c'est l’arrêt respiratoire. Et ajoute qu'ils envoient notre enfant au bloc, qu'ils ont besoin de l'intuber et de lui poser un accès, c'est une perfusion au niveau d'une artère, pour passer tout ce qui est antibiotique etc... pour que ça aille plus vite. Et le problème pour E. par rapport à sa maladie, c'est qu'au bloc, il pouvait y rester.

Il s'en ai bien sorti, il a bien récupérer. Quand je suis arrivé, il était sous narcotique. Il était dans le gaz.


Une question, l'intubation est dangereuse pour ton enfant? Le problème avec l'intubation c'est que les poumons ne fonctionnent plus, c'est la machine qui respire à ta place. Du coup pour l'intubation il ne faut pas que cela dure trop longtemps , parce qu'au bout d'un moment les poumons n'ont plus le réflexe de repartir, et tu deviens dépendant de la machine et tu meurs, tu ne peux pas vivre en intubation.

Une autre question, comment ça se passe en réanimation?


En réanimation, le problème c'est qu'on a un scope, c'est un écran avec toute les constantes, et le soucis c'est que quand ça sonne dans une chambre, ça sonne dans toute les autres chambres. C'est obligatoire, c'est pour qu'ils soient en alerte. Il y aussi toutes les pompes pour administrer les traitements par injection.

Ça sonne toute les deux minutes, je peux vous le dire, la première fois en réanimation, ça fait un choc.


Comment E. a-t-il échappé la la mort une seconde fois?


La deuxième fois , c'est arrivé y a pas longtemps, en septembre. C'était un jeudi, on le couche, tout va bien. À une heure et demi du matin, toutes les machines se mettent a sonner. Ça sonne de partout.

Je dis à ma conjointe, va voir, c'est bizarre ça sonne. Elle descend et elle m'appelle en pleure "X. il est mort"!

Je me dit ah putain ! elle me dit "il est mort il est mort" ! Et moi je lui dis "c'est pas possible, mon garçon il est pas mort, c'est pas possible".

Alors je descend, le vois tout bleu, tout vert, encore une fois. Là par contre il n'avait pas fait une désaturation à 4 mais une à zéro. Plus du tout d’oxygène. Là il était quasiment mort, le cœur était en train de s’arrêter.

Et ben là , ce qu'on fait dans ces cas-la, sachant que E. a une Trachéotomie, c'est-à-dire qu'il a un ballon qui pompe et qu'on branche directement à sa trachée, tu met l'oxygène à fond, 12 litres d’oxygène à la minute, tu attend que le ballon se remplisse, et la tu pompes... tu pompes, tu pompes, tu pompes. Après ça fait repartir la respiration si tout va bien.

Et là on a eu de la chance, ça a tout fait repartir. Et monsieur E. se réveille, il revient à lui... il te regarde et te fait un bisou... et sourit.


E. à chaque fois qu'il fait un malaise, ça lui arrive souvent de faire des petits malaises, quand par exemple il s'encombre, il fait une petite désaturation, ça lui bloque la respiration, et il revient à lui tout de suite, et il rigole, il en rigole, ça le fait rire.

Par exemple, il a fait un malaise à l’hôpital, on était pas avec lui, il était revenu au massage cardiaque, et quand on est arrivé dans sa chambre, il a sourit.


Comment E. s'exprime, peut-il parler?


Il est muet, comme E. a une Trachéo, on ne l'entend pas rigoler. Il y a deux sortes de Trachéo, une libre et une à ballonnet. E. a la trachéo à ballonnet, et ça bloque les cordes vocales.

Malheureusement si sa capacité respiratoire évoluait, oui on pourrait le lui enlevé, et il récupérerait sa voix.

Toutes les semaines il faut changer la canule, pour éviter que ça bourgeonne et que le trou se rétracte. C'est un geste pas anodin, ça peut-être dangereux, si c'est mal placé, il peut coincé.


Mais E. communique déjà beaucoup avec le regard. Il sait nous dire oui avec ses yeux. Vu que se sont des enfants qui ne peuvent pas beaucoup bouger, ils compensent. Parfois il fait le coquin en faisant sauter son bouchon de VMI pour appeler les infirmières quand il est à l'hôpital. Quand il voit quelqu'un qui passe et qu'il aime bien ou une infirmière, il fait un bisou en faisant claquer sa langue. Quand son épisode de Patpatrouille est fini, il fait monté son rythme cardiaque pour faire sonner le Scope. Il fait ses yeux de coquin !


Êtes-vous former, en tant parents, sur des gestes de secours?


Moi j'ai assisté à tout les changements de trachéo , mais j'en ai jamais fait. Ma conjointe elle sait le faire mais c'est pas nous qui les faisons, ce sont les infirmières. Une fois il a fait un malaise à l’hôpital et j'ai vu comment avait fait l'infirmière. Du coup quand E. a fait son malaise, je me suis rappeler de ses gestes, de comment elle avait fait et je les ai reproduit.

Le lendemain, j'ai été voir un médecin parce que ça commençait à bien faire, parce qu'en tant que parents on est pas formé , cette nuit j'ai réussi à faire revenir mon gamin, mais vraiment parce que j'ai puisé dans mes souvenirs, et si je n'avais pas su comment le faire, mon gamin ne serait plus là.

Donc la ils ont dit "ah oui c'est vrai maintenant on va vous proposer une session de formation ", parce-qu'il faudrait qu'on soit formé à l’arrêt cardio-respiratoire, et hélas j’attends toujours après. C'est compliqué, à Amiens on a un service SimUSanté, y a des étudiants étrangers qui viennent là-bas se former, c'est très prisé, les formations coûtent très cher. Un médecin m'a proposé de nous prendre un après-midi pour nous montrer les bons gestes, mais hélas les médecins sont très pris, du coup on est toujours pas formé. En fait on est obligé de faire avec ce qu'on sait faire, avec nos acquis.


Penses-tu qu'avoir une formation permet de garder son calme et moins paniquer?


Oui, par exemple la première fois que E. a été hospitalisé, un peu plus d'un mois, il était rentré un lundi matin, par contre on était rentré à la maison sans oxygène, sans bavu (ballon auto remplisseur à valve unidirectionnelle) ni saturomètre (oxymètre) . Toute la journée se passait bien. Vers 17h, pendant sa sieste il fait une "fausse route". Mon beau père était présent, il est directeur d’école, il avait la formation alors il tente de lui faire du bouche-à-bouche et l'a sauvé. Ce jour la j'ai rien su faire, pris par la panique. C’était la première fois où j'ai vraiment eu peur. L'adrénaline t'aide à prendre le dessus.


Qu'en est-il pour tes autres enfants?


On a fait des prélèvements génétiques, moi et ma conjointe , on est porteurs du gène de l'ASI de type 1. Ma première fille a eu 3 ans en juillet, on ne sais pas si elle est porteuse mais on sait qu'elle n'est pas malade sinon ça se serait déclaré , car elle ne pourrait avoir que le type 1. Le type 1 étant le plus grave.

Elle ne peut donc pas avoir le type 2, 3 ou 4, c'est pas possible.

Par contre plus tard, après ses 18 ans, quand elle voudra faire un enfant, elle pourra demander a son médecin de faire un prélèvement génétique pour voir si elle est porteuse ou pas du gène. Si elle est porteuse du gène et que son partenaire n'a pas le gène, il y a un risque quand même, mais très réduit.

J'ai eu une 2ème fille au mois de septembre, il y a un an. Quand ma femme a appris qu'elle était enceinte alors qu'on venait de découvrir la maladie de notre petit E, elle a fait un déni de grossesse.

Prélèvement sanguin et amniocentèse d'urgence. Dans ses moment la, même si t'es à 3 jours de l’accouchement tu peux faire une ivg, pour des cas comme ça.

On était d'accord si elle était malade, parce que c'est pas une vie, pour nous, pour D.... donc si elle avait été malade on aurait fait une ivg.

Mais heureusement elle n'est pas du tout malade, au contraire.


Si on veut refaire un enfant plus tard, on a 25% de chance d'avoir enfant malade. D’après la généticienne, pour une grossesse, c'est énorme énorme énorme ! C'est 1 chance sur 4. Un enfant trisomique c'est 1 chance sur 1 000. Pour la trisomie à partir de 40 ans c'est quelque chose comme 1 chance sur 10 000, et c'est déjà beaucoup. J'imagine même pas 1 chance sur 4...


À quel moment peut-on détecter la maladie?


Dès que l'enfant est fait, on peut, avec les analyses, savoir si l'enfant est malade.

Donc si y a du retard de règles, si y a l'envie de faire un enfant, on sait qu'on doit faire les analyses et qu'on a le temps de la grossesse pour réfléchir à l'ivg ou pas. Parce qu'on peut le détecter de 2 façons, soit avant la naissance avec prélèvement sanguin et amniocentèse comme on a fait pour A., soit après la naissance, ce qu'on fait en France pour la mucoviscidose par exemple, avec le test de Guthrie ou test du buvard. Le soucis c'est que c'est pas systématique, donc si c'est un premier enfant ou que les parents ne savent pas qu'ils ont le gène, et potentiellement le risque que l'enfant soit atteint, le test de l'ASI n'est pas fait. On peut demandé à faire le test, mais entre nous, est-ce que vous connaissiez la maladie de mon fils avant que je vous en parle? Quand je parle de la maladie de mon fils autour de moi, hormis le personnel de santé, comme les pharmaciens et médecins, personne ne la connait. Dans notre famille, nos amis et même des ambulanciers ne la connaissent pas.


Il y a eu un projet de lois pour que le dépistage de la trisomie soit fait en anténatale, c'est à dire avant l'accouchement.

Ça a été refusé pour la "bio éthique". Beaucoup souhaiteraient que cela soit fait pour le dépistage de l'ASI.


Vous êtes-vous mis d'accord, toi et ta conjointe, sur les éventuelles décisions à prendre?


Avec ma conjointe on s'est mis d'accord, c'est les directives anticipées, faut être deux . Si E. fait un arrêt cardiaque et qu'on doit prendre une décision, on c'est mis d'accord.

Parce que faut être prêt. Même si on a préparé les directives, ça ne veux pas dire que c'est validé, car le jour où ça arrive, on peut dire "ne faites pas ce que je vous ai dis de faire sur les directives". C'est pas systématique. Si t'es pas là, oui, ils suivent les directives, mais si tu es la, tu peux t'opposer aux directives. D'ailleurs, il y a un poste à l’hôpital qui t'explique les funérailles et les soins en fonctions des religions.

Comment ça se passe du point de vue de ta famille et de ton quotidien? E. a été le dernier pendant un an, donc il a été un peu le chouchou.

On a du s'éloigner un peu de tout le monde à cause du déménagement car on s'est rapproché de l’hôpital d'Amiens. On se retrouve aujourd'hui à environ 1h de tout le monde, on voit nos amis moins souvent. Au diagnostic de la maladie, ça a été dur pour tout le monde. Surtout pour ma mère, ce jour la elle était présente. Aujourd'hui il vivent comme nous, un peu au jour le jour, ils nous envoient un petit message de temps en temps.


Communiquez-vous souvent sur ce que vous vivez à vos proches, autour de vous? Comment réagissent-ils?


Tout dépend avec qui, il y a des personnes qui sont plus ou moins invasives. Il y a toujours une personne de la famille qui se reconverti en médecin *rire*, il y a aussi ceux qui fuient un peu plus la situation. Il y a certaines personnes qui ont du mal et ne viennent pas souvent voir E. Mon père, par exemple, à du mal a venir a l'hôpital, mais dès que j'ai besoin de me déplacer, il m'emmène tout de suite. Même moi ça m'a pris du temps pour m'adapter, et réussir à aller voir mon fils à l'hôpital. Parfois je me suis retrouvé seul. Quand par exemple il a fait sont arrêt dans la nuit du 31 Mai au 1er Juin, E. a fait 300 jours d'hospitalisation. Après il est ressortit, lors de sa 1ère permission, le 23 décembre. Ça a été notre cadeau de Noël, d'avoir notre fils à la maison. Et après ça, tout les week-end il sortait. On peut dire 300 jours où ça a été la course, toujours se débrouiller pour aller à l’hôpital, faire garder la petite, et même des fois je me suis retrouvé donc tout seul pendant deux semaines sans contact à part les appels téléphoniques. Pas de visite de potes ou autre. La coupe du monde de l'année dernière je l'ai vécu tout seul *rire*.

Mon fils a passé 1 ans à l’hôpital, enfin, c'est compliqué, parce qu'avant, où on habitait, c’était au CHU alors qu’aujourd’hui c'est une association qui s'en occupe, et du coup même à la maison c'est considéré comme hospitalisé.


E. a-t-il besoin d'équipement spécifique à la maison? Êtres-vous aidé financièrement ou autre?


Au niveau du matériel, tout ce qui est vital c'est remboursé par la Sécu, mais tout ce qui est considéré comme du confort est à notre charge. Il y a des trucs qu'on doit payer comme la caméra, c'est moi qui l'ai acheter à 250 euros.

On a le transat de bain, parce qu'on peut pas le baigner comme les autres bébés, c'est un filet pour qu'il soit un peu dans l'eau et que ça soit mou, et ça coûte 800 euros mais c'est pris en charge par la sécu aussi.

On a un corset siège, qui est une sorte de siège pour le maintenir droit, et il coûte 400 euros, et aussi le lit mousse, qui moule sa forme et est recouvert de polaire, lui coûte 600 euros. Comme c'est considéré comme vital, heureusement c'est remboursé aussi.

Le plus cher qu'on ai à la maison, c'est une tablette qu'on nous a prêté. Cette tablette est spéciale car le curseur suit les yeux. On est en apprentissage avec une ergothérapeute, et dessus il y a des logiciels avec lesquels il peut écrire des textes, nous montrer des objets, en fonction de ce qu'il a besoin, mais coûte 12 000 euros. Et ça par contre, tu te démerde pour la payer, parce que c'est pas remboursé. En gros j'en ai pour 16 000 euros de matériel à la maison. Pour l'instant on me prête la tablette mais j'ai fait une demande de financement via le Téléthon et la MDPH en cours. Eclas et aussi certains parents prêtent du matériel. Grâce à la tablette il peut aussi regarder ses dessins animés, comme Patpatrouille. Il avait déjà essayé une autre tablette, et il s'en était très bien sorti. Il en avait pas utilisé depuis 3 à 4 mois, et quand on a relancé l'apprentissage avec celle-ci, il a eu un peu de mal, mais commence à bien assimiler certaines choses aujourd'hui.


Peux-tu nous parler de l'association ECLAS, que fait-elle pour toi?


C'est une association de familles, qui concerne autant les parents d'enfants malades que les parents d'enfants décédés, on appelle ça les "paranges".


Par exemple une fois par ils se retrouvent tous ensemble entre "paranges", pour se changer les idées et se soutenir ensemble. Malheureusement je sais qu'un jour je serai invité, mais j'espère le plus tard possible.

Sinon, en site de référence il y a aussi Afm-telethon.fr , ils ont un groupe d'action où c'est vraiment des parents référents sur la maladie en France. Merci Monsieur X. d'avoir accepté de nous partager ton expérience, de nous exposer ton point de vue, celui d'un père face à cette maladie encore peu connue du grand public.

L'histoire se poursuit


Depuis quelques mois, l'apparition du Covid19 et le confinement déclaré par le gouvernement ont compliqué la vie de bon nombre de personnes, de familles, et celle de Monsieur X. n'y a pas échappé. Les Galériennes suivent les avancées sur la recherche contre l'ASI de Type 1 et soutiennent Monsieur X, E. et toute leur famille. Depuis le 19 Mai 2020 le traitement Zolgensma est enfin distribué en France. Monsieur X a accepté de nous confier à nouveau son expérience et les espoirs qu'il fonde en ce nouveau traitement dans un autre article "A venir ".


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Image: Nimrodel2.0


Auteurs : Nimrodel2.0, Yoshi

Sources: MDPH

Zolgensma (27 mars 2020)

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